Voiture autonome sans chauffeur : idées fausses
Top 5 des idées reçues sur les véhicules autonomes
Les voitures autonomes sont une technologie en évolution rapide qui, il y a quelques années, était toujours considérée comme de la science-fiction. Dans un tel contexte, les intuitions peuvent être trompeuses et les idées souvent fausses au sujet de la technologie, son impact, et la vraie nature de son potentiel d'innovation. Dans ce qui suit, nous abordons certaines des idées fausses les plus répandues sur la voiture autonome:
Top des idées fausses
- Les systèmes d'assistance à la conduite évolueront progressivement en systèmes entièrement autonomes
- Les premiers modèles de voitures totalement autonomes seront destinées au consommateur et seront disponibles à l'achat
- Il faudra plusieurs décennies jusqu'à ce que la plupart des véhicules soient capables de conduire de manière entièrement autonome.
- Les voitures sans chauffeur sont contrôlées par des algorithmes classiques (règles si -> alors)
- Les démonstrations publiques de prototypes autonomes fournissent une indication de leurs capacités
Cette liste d'idées fausses pourra être utilisée pour:
- élargir vos connaissances sur les différents enjeux qui façonneront l'avenir des véhicules autonomes
- évaluer l'expertise des spécialistes et des experts qui font des déclarations sur les voitures autonomes.
Vous constaterez que de nombreuses déclarations largement répétées et relayées sur les véhicules autonomes peuvent être en fait attribuées à des points de vue très étroits sur les voitures autonomes et à un manque de compréhension du processus d'innovation global qui entraîne cette technologie vers l'avant.
Notez que cet article se concentre sur la technologie des véhicules entièrement autonomes, à savoir les véhicules qui peuvent conduire eux-mêmes sans intervention ou présence humaine.
1. Les systèmes d'assistance à la conduite évolueront progressivement en systèmes entièrement autonomes
Ceci est un malentendu extrêmement commun que l'on trouvera répété maintes et maintes fois. À première vue, cela semble très logique et ancré dans l'histoire: Si l'on regarde les 10 dernières années, nous constatons que chaque nouveau modèle de voiture est livré avec des fonctionnalités toujours plus puissantes en matière de sécurité et d'assistance : auto-parking, avertissement de changement de voie, contrôle de vitesse intelligent, freinage d'urgence, etc. N’est-il pas naturel d'extrapoler cette tendance à l'avenir?
Mais cette évolution contient en réalité une discontinuité évidente: Tous les systèmes d'assistance au conducteur en usage sur des modèles de série d’aujourd’hui ne fonctionnent que pour de courtes périodes et dans des contextes extrêmement limités. L’auto-parking ne fonctionne que pendant quelques secondes avec l'observation du pilote (et sur certains modèles, seule la direction est prise en charge, laissant la charge des pédales au conducteur). Le freinage d'urgence se déclenche au dernier moment avant un accident inévitable. L’avertissement de changement de voie n’intervient que quand la voiture dépasse une ligne.
La donne change radicalement lorsque la voiture doit se conduire elle-même de manière continue, pendant quelques minutes ou quelques heures. Ici, l'évolution progressive est impossible: à partir du moment où une voiture roule en permanence de manière autonome, il n'y a aucune marge d'erreur possible et de ce fait pas de place pour l'amélioration progressive par la pratique ou l'évolution. Le véhicule doit être en mesure dès sa mise en service de faire face à toutes les éventualités et aux situations les plus extrêmes.
Certaines personnes affirment qu’il suffit que le conducteur surveille son véhicule pour combler ces lacunes. Si cela est effectivement possible pour les systèmes d'assistance qui opèrent pendant seulement quelques secondes (aide au stationnement), cela ne peut tout simplement pas fonctionner pour un système fonctionnant en permanence, obligeant le conducteur –un être humain- à se maintenir dans un état d’alerte pendant plusieurs heures, qui lui permettrait éventuellement de reprendre les commandes du véhicule en cas de besoin. Non seulement l’être humain n’est, dans la majorité des cas, pas capable d’une telle capacité de concentration, mais cela enlève surtout tout l’intérêt d’une conduite autonome.
Par conséquent, on ne peut confier la lourde tâche de la conduite qu’à un système d'assistance pouvant gérer toutes les situations imprévues et nécessitant une réaction immédiate. Cela signifie que les systèmes d'assistance au conducteur fonctionnant en continu sur une autoroute doivent être en mesure de faire face à des situations rares, comme l’apparition de piétons, cyclistes ou encore d’animaux sur la route. Encore une fois, ces systèmes de conduite ne peuvent pas donc être soumis à une évolution progressive ou à un quelconque apprentissage: ils ont besoin d'être 100% fiables à partir du premier jour où ils sont mis en service.
Pour résumer: les systèmes d'assistance au conducteur ne peuvent donc pas évoluer lentement vers des systèmes entièrement autonomes. Une discontinuité est présente lorsque chaque système d’assistance doit opérer de manière autonome et continue.
2. Les premiers modèles de voitures totalement autonomes seront destinés au consommateur et seront disponibles à l'achat
Quand vais-je être en mesure d'acheter une voiture autonome? Quand les véhicules autonomes vont-ils apparaître sur le marché? Ces questions clés induisent déjà une supposition sur le marché de ces véhicules : que ces voitures soient principalement destinées au consommateur.
Malheureusement, cette supposition ne tient pas compte à la fois des difficultés et des opportunités associées aux voitures totalement autonomes. Un des problèmes clés est la zone géographique où les voitures seront capables de fonctionner de manière autonome. Les consommateurs qui veulent acheter une voiture sans chauffeur attendent d’elle qu’elle fonctionne dans la plupart des régions (au moins toutes les autoroutes) du pays ou, idéalement, l'ensemble du continent, et de préférence dans toutes les situations météorologiques non-extrêmes. C'est déjà un défi de taille! Des cartes détaillées doivent être créées, maintenues et mises à jour; les algorithmes devront fonctionner en cas de fortes pluies, de neige ou de brouillard.
Pour les constructeurs automobiles, cela signifie que des solutions doivent être trouvées à une échelle globale : la structure des cartes doit être définie, puis les cartes elles-mêmes doivent être collectées. Ce travail reste en partie à réaliser, car les cartes devront être beaucoup plus détaillées que les « street maps » classiques que détiennent Google, Apple, TomTom ou Here Maps. On ne sait pas encore quelle structure sera la meilleure pour ces cartes. Par conséquent, un laps de temps significatif sera nécessaire avant qu'un constructeur automobile puisse livrer des modèles qui soient capables de conduire de façon autonome sur toutes les routes d'une région ou d'un continent.
Cependant, ce problème disparait dans certains cas d’utilisation de véhicules autonomes. Sur des itinéraires et des routes prédéfinis, les voitures autonomes fonctionnent à merveille et la cartographie est limitée à la zone desservie par le véhicule. Dans le cadre d’une mobilité proposée comme un service (taxi, bus, VTC), l’utilisation de voitures autonomes semble donc idéale. Certaines compagnies comme Uber ou Car2Go proposant ces mêmes services ont très bien perçu le potentiel de cette technologie qui leur permettrait d’assurer des prestations de transport local à faible coût, du fait de l’absence de chauffeur. En ville, on pourra aisément commander une voiture autonome via son application mobile. Le taxi autonome viendra récupérer le client quelques minutes plus tard, qui n’aura même pas à se soucier du stationnement de son véhicule, une fois arrivé à destination. On imagine facilement pouvoir se passer d’un véhicule personnel dans de telles circonstances. L’entretien du véhicule ne sera également pas une chose dont devra se soucier le consommateur, ce qui renforce encore une fois l’attrait de ce modèle économique.
Cartographier et maintenir à jour une zone urbaine réduite est donc beaucoup plus facile que de le faire pour un pays ou un continent entier. On peut également favoriser dans un premier temps le déploiement de cette technologie dans des zones ou le climat est le plus clément, afin de contourner les problèmes de fonctionnement des voitures autonomes liés aux conditions météorologiques extrêmes (neige, forte pluie, brouillard), le temps qu'ils soient résolus.
L’usage de voitures autonomes en tant que flottes présente un autre avantage clé : les propriétaires de flottes détiennent un contrôle total sur leurs voitures, ce qui leur permet lors de mises à jour ou d’entretiens d’accéder facilement à l’ensemble de leurs véhicules. De plus, les véhicules peuvent être facilement relocalisés vers une autre zone.
Ce niveau de contrôle réduit également le facteur risque: les opérateurs de flottes peuvent assurer l’entretien des véhicules et la mise à jour des véhicules beaucoup plus facilement que si les voitures étaient vendues individuellement à chaque consommateur. En outre, les propriétaires de flottes de voitures autonomes pourraient restreindre l’accès à certaines parties mécaniques et électroniques de leurs véhicules, ce qui rendrait la tâche plus difficile à toute personne aux intentions malveillantes (piratage) :il est plus facile d’accéder à une voiture que l’on peut acheter.
En résumé, ces différents aspects montrent que les premiers modèles des voitures sans chauffeur ne devraient pas être disponibles à la vente grand public. Les premiers véhicules totalement autonomes sont beaucoup plus susceptibles de faire partie d’une flotte globale de taxis ou de bus autonomes qui opèrent dans quelques régions urbaines prédéfinies, comme c’est déjà le cas dans plusieurs villes européennes. À partir de là, il faudra peut-être compter plusieurs années jusqu'à ce que les premiers véhicules autonomes deviennent disponibles à l'achat.
3. Il faudra plusieurs décennies jusqu'à ce que la plupart des véhicules soient capables de conduire de manière entièrement autonome.
Réservées auparavant aux véhicules haut de gamme, il a fallu aux innovations automobiles telles que l’ABS, les airbags ou encore les ceintures de sécurité plusieurs décennies pour s’installer dans tous les modèles de séries. Certains prévoient une tendance similaire pour les systèmes autonomes. Mais il y existe de bonnes raisons démontrant que le processus de diffusion des systèmes entièrement autonomes (à ne pas confondre avec les fonctionnalités d'assistance au conducteur semi-autonomes) adoptera un modèle différent:
La diffusion plutôt lente des innovations automobiles « classiques » comme l’ABS ou l’ESP l’a été de par leur avantage supplémentaire limité. Il est difficile pour un acheteur de quantifier en euros le bénéfice réel de ces technologies. Les accidents graves - dans lesquels ces technologies peuvent faire une différence - sont rares et il peut donc être une décision rationnelle, pour beaucoup, de choisir de ne pas acheter ces fonctionnalités. Plus l’acheteur sera riche, plus il estimera sa vie, plus il sera tenté de posséder de telles options. Voilà pourquoi ces innovations, liées à la sécurité, sont destinées au segment haut de gamme au début de leur mise en service. La technologie se diffusant de plus en plus, la production de masse fait chuter le prix de ces technologies ce qui rend l’équation coût/bénéfice positive pour de plus en plus d’acheteurs.
Mais la sécurité accrue n’est pas le seul avantage clé de véhicules autonomes: les voitures autonomes libèrent le pilote de la conduite et ainsi augmentent son temps disponible - une ressource de plus en plus précieuse et rare. Les avantages sont encore plus évidents dans la logistique par exemple, où les coûts d'un chauffeur de camion représentent généralement environ un tiers du total des coûts de transport. La conduite entièrement autonome accélère considérablement le retour sur investissement et donc conduit à une adoption rapide. Les consommateurs apprécient aussi leur temps libre : Si un conducteur lambda passe environ 1 heure par jour au volant, cela équivaut à 15 jours complets de temps gagné par an! Si on va plus loin et que l’on valorise le temps, à 10€ par heure (le SMIC brut 2016 en France est de 9,61€/h), le bénéfice reviendrait à 3650€/an. Si l'acheteur a l'intention de garder le véhicule 5 ans, le bénéfice revient à 18.250€. Compte tenu de ces avantages, le groupe des « early adopters » (adopteurs précoces) serait beaucoup plus large que d'habitude et pas seulement limité aux consommateurs de voitures haut de gamme. Plus les consommateurs passeront du temps dans leur véhicule, plus ils seront susceptibles d’acquérir une voiture autonome. Contrairement à l'augmentation de la sécurité (associée à de nombreuses innovations classiques de l'automobile classique) qui ne peut être exprimée que comme une réduction de la probabilité d'un accident et des dommages associés, le bénéfice du temps libre supplémentaire représente un avantage concret et réel dont l’acheteur peut être certain de jouir chaque fois qu'il utilisera son véhicule.
En outre, les véhicules autonomes risquent d’impacter fortement le marché des assurances. Parce que les voitures autonomes seront à terme beaucoup plus sûres, le risque endossé par les assurances va lourdement chuter, et leur prix avec lui. Avec l'annonce de certains constructeurs comme Volvo prenant également en charge la responsabilité d’un accident, le prix des assurances risque également de descendre étant donné qu'ils auront pas à prendre en charge une partie des accidents. Cependant, il faut quelques années pour que cet effet s’amorce. Les compagnies d'assurance doivent d'abord bénéficier du recul nécessaire pour être en mesure de quantifier le risque associé à des véhicules totalement autonomes. Les jeunes conducteurs - qui paient les cotisations les plus élevées aujourd'hui - vont bénéficier le plus des prix plus bas. À plus long terme, lorsque la technologie aura convaincu sur sa fiabilité et sur son absence de risque vis-à-vis de la conduite manuelle, de nombreux parents risquent de guider leurs enfants vers la conduite autonome plutôt que de dépenser de l’argent en leçons de conduite.
Les véhicules entièrement autonomes peuvent être utilisés comme des taxis autonomes. Dans les zones suffisamment densément peuplées, des flottes de voitures autonomes électriques vont émerger et fourniront la mobilité comme un service. Ces voitures pourront assurer la mobilité à un coût beaucoup plus faible que les véhicules privés, du fait de leur taux d'utilisation qui sera beaucoup plus élevé (seulement 5% pour les véhicules privés). Grâce à cette meilleure efficience, le coût de la technologie autonome sera beaucoup mieux amorti par ces flottes de véhicules, ce qui leur permettront d’adopter ces technologies beaucoup plus tôt que les véhicules privés. On assistera probablement la disparition des véhicules privés au profit des voitures autonomes "publiques". Des études et des simulations ont démontré qu’un « taxi » autonome pourra remplacer de 6 à 10 automobiles privées. Parce que ces flottes présentent des effets de réseau et tendent à devenir des monopoles, il y aura une lutte intense pour le leadership du marché. Cela permettra d'accélérer la diffusion des taxis autonomes sans chauffeur et va augmenter rapidement le nombre de kilomètres parcourus.
Outre les particuliers et ceux qui gèreront leurs flottes de véhicules, les gouvernements vont avoir un rôle clé à jouer pour s’assurer que cette technologie sera adoptée plus rapidement que d’habitude: la voiture autonome est une technologie essentielle qui aura un impact sur presque tous les secteurs de l'industrie. De nouveaux modèles économiques deviennent possibles; en outre, les coûts de transport pour les personnes et les marchandises vont diminuer considérablement. Par conséquent, les pays lents à adopter cette technologie peuvent voir baisser leur compétitivité; inversement, les pays les plus prompts à démocratiser cette technologie pourront l'améliorer de manière significative. De nombreux gouvernements accentuent donc leurs efforts pour assurer qu'ils sont bien positionnés sur la voiture sans chauffeur. Ces efforts sont notamment visibles aux États-Unis, où il existe même une concurrence entre les États pour le leadership de la voiture autonome, particulièrement exacerbée depuis 2012 lorsque le Nevada est devenu le premier État à faire passer une loi concernant la voiture autonome. Après un lobbying intense, la Californie leur a emboité le pas, et de nombreux autres États ont travaillé sur la législation autonome des véhicules depuis.
Le Michigan est un exemple d’État qui ne veut pas perdre sa position dominante dans l’industrie automobile au profit de la Californie et qui a donc également adopté une loi pour les véhicules autonomes, en plus de mesures additionnelles visant à accroître la compétitivité du Michigan dans cette technologie émergente. En Europe, le Royaume-Uni a capté le potentiel de cette technologie et est en train d’investir des millions de livres pour développer une industrie de la mobilité autonome. De plus, le Royaume-Uni n'a pas signé la Convention de Vienne sur les véhicules et peut donc plus facilement introduire des voitures autonomes sur leurs routes, à l'inverse de la France où les constructeurs doivent obtenir une dérogation spéciale.
Les premiers prototypes issus de ces projets - notamment à Milton Keynes où 40 pods autonomes transporteront les passagers de la gare au centre-ville, relèvent déjà du concret. En Asie, Singapour cherche activement à améliorer la mobilité locale grâce aux voitures autonomes. Ce n'est qu'une question de temps avant que la Chine reconnaisse le potentiel de cette technologie qui serait salvatrice pour la congestion et la pollution dans des villes de plusieurs dizaines de millions d'habitants et fasse de cette technologie, qui lui permettra aussi de réduire leurs investissements colossaux en infrastructures routières, sa priorité nationale.
4. Les voitures sans chauffeur sont contrôlées par des algorithmes classiques (règles si -> alors)
Quand on pense aux voitures autonomes, il est facile de tomber dans le piège de les imaginer comme contrôlées par d'énormes et complexes programmes composés de millions de règles précisant comment la voiture doit agir pour chaque situation possible. Mais un logiciel de voiture autonome ne comporte pas de règles telles que : "SI une balle roule sur la route, ALORS réduire la vitesse et anticiper d'éventuels enfants qui pourraient venir traverser pour la ramasser." Les programmeurs qui développent ces systèmes autonomes de conduite ne fonctionnent pas avec un ensemble de règles exceptionnellement détaillées qu'ils traduisent ensuite en algorithmes informatiques.
Ces voitures comptent beaucoup sur l'apprentissage automatique (machine learning)et la reconnaissance des schémas (patterns) récurrents – qui relèvent du domaine de l'intelligence artificielle. Un des problèmes de base, par exemple, est l'interprétation des données enregistrées par les capteurs: Quel genre d'objet est devant le véhicule? Est-ce un autre véhicule, un piéton, un vélo, un animal?
Au lieu de développer de nombreuses règles si/alors pour créer un scénario à chaque objet, un algorithme d'apprentissage sophistiqué est alimenté avec de nombreuses images contenant des objets. Chaque image comporte une légende du type d'objet qu'elle représente. C'est là que l'algorithme d'apprentissage commence son travail et examine les images et devine le type d'objet dans chaque image. Initialement la plupart de ses suppositions seront fausses: par conséquent, il modifie les paramètres internes ou des parties de sa structure et essaie à nouveau. Ce processus se poursuit, abandonnant les changements qui réduisent sa précision et gardant les changements qui l'augmentent, jusqu'à ce toutes les images soient correctement attribuées. Ensuite, lorsque de nouvelles images sont présentées à l'algorithme, il les classera dès le premier coup avec une plus grande précision : l'algorithme a évolué. Ainsi une voiture sans conducteur peut ne pas reconnaître explicitement le ballon comme un ballon, mais plutôt le considérer comme un objet non identifié qui se déplaçant de façon inattendue sur la route. Il n'a pas besoin d'augmenter sa vigilance (qui est déjà à 100%) pour rechercher les enfants qui pourraient suivre le ballon, mais traite cette situation comme une perturbation de la situation de la chaussée par un objet mobile non identifié impliquant un risque supplémentaire et donc -en fonction de la complexité et de la clarté de la situation- réduit la vitesse ou arrête complètement le véhicule.
La même méthode d'apprentissage peut être utilisée pour améliorer les réactions du logiciel face à une situation. Au lieu d'intégrer un système d'évaluation statique à partir de laquelle chaque situation est assignée à une réaction, les programmeurs "nourrissent" le logiciel avec de nombreuses situations de circulation, et précisent l'action correcte pour chaque situation. Le programme recherche alors par lui-même grâce à ses paramètres internes et à la logique de décision interne qu'il a développée, quelle serait la meilleure solution à la situation donnée. Comme avec les humains, il devient alors difficile de savoir pourquoi la voiture présente un comportement spécifique dans une situation nouvelle alors qu'aucune règle spécifique n'a été spécifiée; la décision résulte des nombreuses situations précédentes auxquelles l'algorithme a été exposé.
Par conséquent, les véhicules autonomes ne sont pas "programmés" dans le sens classique du terme; ils ont besoin d'apprendre. Il est impossible de résumer la conduite humaine à quelques ou même beaucoup de règles si/alors. Le développement des véhicules autonomes n'est pas qu'un problème de développement algorithmique. Il exige également une vaste stratégie d'apprentissage où les véhicules sont exposés à un grand nombre de situations. Google, en conséquence, a accumulé près de 2 millions de kilomètres sur les routes de Californie avec ses différentes Google Car, ce qui représente un véritable puits de connaissance pour l'apprentissage des voitures autonomes
Pour résumer, nous devrions éviter de conceptualiser les véhicules autonomes comme des machines contrôlées par un logiciel détaillé et complexe, rempli de règles précises. Au lieu de cela, nous devrions imaginer leur comportement comme étant le résultat d'un programme d'apprentissage long et varié.
La capacité de telles voitures peut être analysée par la simulation et les tests, mais pas seulement en examinant son code source.
5. Les démonstrations publiques de prototypes autonomes fournissent une indication réelle de leurs capacités
Un mois passe rarement sans qu'on entende parler d'une démonstration publique ou d'un test de voiture autonome: Au printemps 2015, une voiture sans chauffeur Delphi terminait un voyage de 3000 miles (4828km) de la côte Ouest à la côte Est des États-Unis. Plus tôt, une Audi autonome avait fait étalage de ses performances à grande vitesse sur un circuit Allemand. Un an avant, une voiture sans chauffeur de Mercedes avait conduit 100 km sur les routes publiques dans le Sud de l'Allemagne. Plus récemment, PSA avait réalisé Paris-Bordeaux en totale autonomie avec son C4 Picasso à l'occasion du salon ITS 2015. Ces événements offrent une grande publicité. Ils captent l'attention du public et font réaliser le potentiel des voitures autonomes, mais ils masquent en même temps les lacunes fondamentales dont ces prototypes souffrent encore.
La technologie de conduite autonome a énormément progressé au cours des 10 dernières années, depuis que les challenges DARPA en 2004, 2005 et 2007 ont amorcé le développement de la voiture sans conducteur. Aujourd'hui, de petites équipes universitaires, des fabricants de pièces automobiles ou des constructeurs peuvent construire une voiture autonome basique en quelques mois, capable de conduire dans des zones correctement cartographiées, détecter des panneaux de signalisation et des feux tricolores, détecter d'autres véhicules, rester sur sa propre voie, accélérer et freiner en douceur : difficile de ne pas penser à l'avenir quand un tel véhicule sillonne nos rues.
Mais d'énormes défis subsistent pour que les voitures autonomes soient prêtes à conduire sur la voie publique sans pilote d'essai. Ces voitures doivent être en mesure de faire face à presque toutes les situations - même lointaines – qu'elles peuvent rencontrer. Elles doivent non seulement détecter et classer les différents objets correctement dans de nombreuses situations, mais elles ont aussi besoin d'anticiper leur comportement. Le problème est vaste et très complexe. Bien qu'il soit possible d'identifier un grand nombre de situations éventuellement problématiques en utilisant une analyse de risque, il est impossible, même pour un ordinateur, d'énumérer toutes les situations potentiellement problématiques.
En plus de travailler avec diligence sur des milliers de scénarios où un risque existe, les voitures autonomes doivent être exposées à des situations de conduite réelles. Les tester sur des millions de kilomètres est essentiel afin de veiller à ce que les risques difficiles à anticiper soient détectés. Google fait un énorme effort pour valider sa technologie de conduite autonome et acquérir une expérience via des tests approfondis sur les routes publiques. Ses voitures d'essai sont généralement occupées par deux personnes : Un pilote d'essai qui s'assure que la voiture fonctionne en toute sécurité et prêt à réagir en cas d'erreur d'interprétation de la Google Car, ainsi qu'une deuxième personne qui surveille en permanence les algorithmes de la voiture et enregistre tous les problèmes ou situations problématiques intéressantes qui mériteraient une analyse plus poussée ou un perfectionnement.
La première phase du projet Google Car prouve que les tests intensifs sont indispensables : La Google Car conduisait de manière autonome sur une voie rapide où il venait de pleuvoir. La voiture suivait un camion dont les pneus projetaient de l'eau à mi-hauteur de la route. Le logiciel de la voiture a perçu ces gouttelettes comme un objet solide étant soudainement apparu sur la voie. Ce genre de problème n'a pas été difficile à corriger, mais il n'aurait très probablement pas été décelé sans un test grandeur nature, d'où l'importance de ces derniers.
Pour résumer: Il est impossible de jauger la maturité et la fiabilité d'une voiture autonome en observant des démonstrations. Très souvent, le logiciel ne rencontre que peu ou pas de situations difficiles, ce qui prouve seulement que le prototype opère à un niveau basique d'autonomie.
L'énorme différence de maturité entre, par exemple, les Google Car (l'actuel leader dans cette technologie avec près de 2 millions de kilomètres parcourus et 10,000 km de plus chaque semaine) et les prototypes de tous les autres constructeurs ne peut pas être appréciée en observant seulement les démonstrations publiques : à un niveau basique, les systèmes autonomes peuvent être comparables, mais le système autonome de la Google Car pourra répondre à un immense nombre de situations supplémentaires.